martes, 8 de abril de 2014

Iles postexotiques


4 avril 2014
Présentation de l’installation “Des archipels en lutte: les îles postexotiques”  dans le cours de Cristina Castellano
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INSTALLATION ILES POSTEXOTIQUES:  descriptif du projet
Bâtiment B2SAMSUNG CAMERA PICTURES
Des archipels en lutte : réfléchir sur les pratiques de production des savoirs en situation diasporique
Nos séjours à Paris et nos expériences de formation et de recherche au Centre d’Etudes Féminines et d’Etudes de Genre à Paris 8 ont marqué une étape des nos vies en déplacement. Cela a signifié repenser nos propres subjectivités à travers une institution française, son histoire, son apparat/appareil intellectuel et philosophique national mais aussi grâce aux rencontres variées avec les personnes qui, depuis partout, fréquentent le Centre. On a vécu la tension entre Paris en tant que capitale mondiale de la Culture et les revendications postcoloniales des savoirs, entre un centre de production intellectuelle et les traditions périphériques de la pensée, entre des disciplines dont le statut est reconnu et d’autres qui restent marginales. Il s’agit là d’un des nœuds du féminisme contemporain sur lequel sont centrées nos recherches singulières et qui, à notre avis, pose des questions essentielles sur la vie du Centre.
SAMSUNG CAMERA PICTURES                                                  Bâtiment B2 : rez-de-chaussée
Dans ce cadre et à partir de nos vécus, nous proposons une réflexion sur les cultures diasporiques que nous incarnons. Notre contribution naît d’une collaboration entre les pratiques artistiques et celles propres à l’anthropologie. Elle s’articulera donc sur plusieurs dimensions.
En premier lieu, il s’agira de poser des questions autour de la diaspora, d’interroger les significations diverses qu’on a attribué à cette notion depuis la fin des années soixante (Schnapper 2001). Au début utilisé spécifiquement dans les études historiques, maintenant ce concept est employé largement au sein des études de genre et queer. Il s’agira donc d’orienter la réflexion sur nos propres vécus d’étudiantes, de chercheuses, d’activistes, pour nous demander : comment chacune des personnes qui fréquentent le Centre fait-elle/il partie de situations diasporiques ? Et de quelles façons, éventuellement, cela influence-t-il nos postures dans la recherche ainsi que nos positionnements politiques ?
SAMSUNG CAMERA PICTURESBâtiment B2 : troisième étage vu d’en haut
Parmi les aspects divers que ces questions mettent en lumière, nous proposons de repenser les liens multiples et les contradictions entre le chez soi et les savoirs, c’est-à-dire entre la perte (partielle, totale, inconsciente, etc.) d’un chez soi et la nécessité de faire un savoir (savoir faire, savoir être) de cette expérience. Quelles sont les pratiques que nous utilisons pour vivre dans cette tension ?
L’œuvre artistique de María Magdalena Campos-Pons nous en a suggérée une. Dans l’exposition « Everything is separated by water »[1], elle a exposé des photographies composées par trois parties : à droite et à gauche deux personnages, parfois la même personne habillée différemment, parfois des femmes de générations différentes ; le sujet de la photo du milieu est la chose qui les connecte, ce qu’elles ont en commun. Nous nous sommes demandées si ce qui est au milieu pouvait représenter les liens, les connections, à la fois les traductions et l’intraduisible, les pertes, les manques, les tensions. Ce qu’il y a entre. Ou bien ce qui nous permet de survivre et d’apprendre à nous « situer » (Haraway).
Qu’est-ce qu’il y a/ Qui y-a-t-il entre nous mêmes et cette langue qu’il faut apprendre, le français?
Qu’est-ce qu’il y / Qui y-a-t-il a entre nous-mêmes, nos lieux d’origine et cette ville, Paris?
Qu’est-ce qu’il y a / Qui y-a-t-il entre nous mêmes et ce Savoir?
Qu’est-ce qu’il y a / Qui y-a-t-il entre nous mêmes et ce Féminisme?
Nous avons répondu que sans doute entre nous et tout ce reste, il y avait la mer et des îles[2]. L’image que cette réponse évoquait était liée à nos lieux d’origine, deux îles, la Sicile au Sud de l’Italie et l’ile de Lošinj, en Croatie. Et pourtant, en choisissant cela, on percevait le risque de confirmer justement l’imaginaire d’un ailleurs exotique et exotisant qu’on entendait démentir. De là découle l’idée de représenter des îles post-exotiques.
Nous imaginons les espaces du Centre d’Etudes féminines et d’Etudes de Genre parsemé  d’îles. Il s’agit de géocorps de traduction : des objets capables de nous traduire dans cet espace, de traduire à la fois nos positionnements actuels, nos premiers souvenirs et nos prochains projets. Les processus culturels, politiques et historiques qui traversent ces îles, les cadres nationaux dans lesquels elles sont inscrites, les transforment dans des lieux, pour nous, difficiles à vivre. Elles deviennent lourdes : des lieux à perdre où il est difficile de revenir, des lieux à décoloniser, toujours présents dans nos autoreprésentations ainsi que dans nos interprétations du réel.
A Paris il n’y a pas la mer, ce fluide commun qui touche toutes les côtes.
Il n’y a pas la mer, comme pour Antoni à Stockholm[3]. Mais nous travaillons, avec les matériaux, dans le même sens. Elle a assemblé des objets que des ami-e-s, des familiers et des proches lui ont offerts, pour former une corde de 78 mètres de long qui, en traversant l’espace d’exposition, une fois dehors, amarre un petit bateau dans le port[4].
Or, nos matériaux de départ sont des vêtements d’occasion pour femmes, certains appartenant à des amies ou à des proches et d’autres pris dans des brocantes, au prix d’un euro la pièce. Ces tissus sont pour nous pleins de rêves, d’odeurs, d’attentes et de silence : tous parcours anonymes que nous imaginons retenus dans la toile.  C’est pourquoi les îles seront réalisés aussi avec des tissus que les étudiantes en genre nous donneront. On les coudra ensemble. La couture : une sorte de technique héritée, qui a à voir avec l’histoire diasporique de ma grand-mère istrienne. Entre autres, féminisme signifie aussi faire en sorte que les énergies vitales soient transmises par les générations jusqu’à devenir capables de transformer les vies des inconnu-e-s.
Nous imaginons d’occuper l’espace de l’Université par des îles fantastiques, réalisées et cousues en toile, remplies d’ouate de rembourrage synthétique et envoyées par la poste[5]. Ces îles seront composées par des formes différentes qui traduisent nos souvenirs, la proximité et les mélanges dont chacune d’entre nous est porteuses. Les îles mesureront plusieurs mètres en long et pas plus de deux mètres en haut. Elles seront reliées par des sortes de cordons ombilicaux qui vont les parcourir comme des routes en connectant les unes aux autres. Les superficies des îles seront composées par plusieurs morceaux de corps humains réalisés avec des tissus de couleurs différentes. Nous proposons deux archipels, chacun formé par trois îles faites de vêtements d’occasion pour femmes et connectées entre elles ; nous imaginons un archipel situé au rez-de-chaussée du bâtiment B et l’autre accroché au plafond du même bâtiment. Au dessous des îles accroché au plafond, la phrase « chi perde trova » traduite en français et coupée en trois mots : qui perd trouve. Accrochés aux îles au rez-de-chaussée il y auront des feutres noirs afin que les étudiant-e-s puissent les marquer au passage.
Comment traduire la mer à Paris? A travers l’occupation de l’espace de l’université par des archipels en lutte, à travers la transformation en mou ou doux de tout ce que nous percevons comme dur et inconfortable ou violent. A travers, enfin, une ouverture du généalogique à d’autres histoires diasporiques.
SAMSUNG CAMERA PICTURES                                           Bâtiment B2 : troisième étage vu d’en bas
les îles postexotiques
Les îles postexotiques est un projet trans national-sexuel-linguistique-frontalier, né d’une collaboration anthropologique-artistique et d’une correspondance d’imaginaires et de rêves entre des îles. Il s’agit d’archipels en lutte, des lieux créatifs, humides et collectifs qui ont été imaginés en 2013 entre Vérone (Italie) et Valencia (Espagne).

[1] Maria Magdalena Campos-Pons, Everything is separeted by water/Tout est séparé par l’eau, rétrospective de 20 ans de créations de l’artiste, Indianapolis, 2006 (puis au Bass Museum in Miami et à Nashville en 2010).
[2] Gilles Deleuze, « L’île déserte et d’autres textes. Textes et entretiens 1953-1974 », Minuit (coll. Paradoxe), Paris, 2002, pp. 11-17.
[3] Janine Antoni, Moor, installation faite pour l’exposition « Free port » au Magasin 3 de Stockholm, Suède, 2001.
[4] Les deux artistes que nous venons de citer, Janine Antoni et María Magdalena Campos-Pons, proviennent de deux îles de l’espace des Caraïbes, Bahamas et Cuba.
[5] Le travail que nous allons réaliser s’inscrit dans le parcours artistique visible sur la page web http://lara-bia.tumblr.com, nous imaginons sa réalisation à travers l’utilise de deux pratiques artistiques spécifiques : la couture et l’art postal.

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